Dette grecque :
Sauver la Grèce ou gagner du temps ?
 
Les fidèles serviteurs du grand capital réunis hier soir à Bruxelles pour aider la Grèce pavoisent et exultent et pavoisent; ça y est, tout va bien Madame la Marquise. On l’a compris, après cet accord « historique » selon les termes de Barroso, le grand capital n’a pas tardé à réagir à juger par la hausse des bourses européennes, asiatiques et américaines. Mais la question qui mérite d’être posée, pourquoi ce soudain optimisme de la météo du capital et pourquoi cette euphorie des bourses et des marchés financiers en Europe, en Asie et aux États-Unis? Cet optimisme est-il dû à l’avenir radieux promis à l’économie et au peuple grecs qui se trouvent au fond du trou depuis plus de deux ans ou est-il plutôt lié à l’assurance donnée une fois de plus par les États aux grandes banques, notamment françaises et allemandes, qui ont prêté des sommes astronomiques à la Grèce?
 
Personne n’est dupe, les milliards octroyés à la Grèce ne sauveront jamais ce pays d’une faillite annoncée à terme, bien au contraire, ce deuxième plan avec de nouvelles dettes vont enfoncer ce pays encore un peu plus à cause des anciens et des futurs plans d’austérité par les bailleurs de fonds et qui seront de nature à aggraver le mal au lieu d’y remédier. Le plan d’austérité promis par le gouvernement socialiste de Georges Papandréou va carrément plomber toute velléité de croissance entraînant du coup une aggravation et du déficit public et de la dette. Il ne faut pas être un économiste chevronné pour savoir que l’injection de liquidités est une solution de facilité et le cas argentin est éloquent à cet égard. Injecter de liquidités dans l’économie d’un pays n’a jamais quoi que ce soit et encore moins le problème des dettes, car on ne soigne pas une économie malade avec des médicaments et inadaptés qui font plus de mal que de bien et une crise structurelle chronique ne saurait être surmontée par des mesures palliatives, occasionnelles et passagères. En réalité, les milliards octroyés par l’Union Européenne et le FMI, c’est tout simplement un cadeau empoisonné, car l’accumulation des dettes va pousser les prêteurs à augmenter leur taux d’intérêt entraînant du coup une augmentation mécanique des charges de la dette. À cela s’ajoutent les réserves et les a priori déjà formés des agences des notations des agences de crédit et le manque de confiance des investisseurs institutionnels comme les compagnies d’assurance et les fonds de pension.  
 
Loin de résoudre le problème de la dette souveraine de la Grèce, l’accord de Bruxelles va rendre la vie encore plus dure au peuple et aux travailleurs grecs qui ont déjà subi un premier plan d’austérité et qui s’apprêtent à en subir les effets désastreux d’un deuxième avec à la clé une réduction dramatique de leur niveau de vie. Le plan d’austérité préparé par le gouvernement Papandréou pour obtenir les fonds promis par l’Europe et le FMI va frapper encore plus durement non seulement tous les Grecs sans exception avec l’augmentation de la TVA mais aussi les petites et les moyennes entreprises qui contribuent pour une grande part au PIB du pays, mais aussi les retraités et les jeunes contraints à l’émigration à la recherche du travail dans d’autres régions du monde et qui vont devenir comme la jeunesse espagnole, une jeunesse sans avenir. Contrairement aux sirènes de la propagande capitaliste, les travailleurs grecs ne sont pas trop payés et ils sont plus « paresseux » que les autres travailleurs européens puisqu’un travailleur grec a travaillé en moyenne en 2009 2161 heures par an contre 1382 heures en Allemagne et la productivité du travailleur grec par heure de travail a augmenté de 26,3% contre 11,6% en Allemagne.
 
Aujourd’hui, ce n’est pas l’économie grecque qui est en crise, mais toutes les économies de la zone euro et bien au-delà de l’Europe, puisque les Etats-Unis se trouvent depuis le mois de mai en cessation de paiement après avoir atteint le plafond de sa dette de 14,3 milliards de dollars et le débat fait actuellement rage entre le parti unique à deux têtes, Républicains et démocrates pour éviter purement et simplement la faillite du gouvernement américain dont la datte est fixée pour le 2 août. Cette crise est au fond moins une crise d’argent et de liquidités qu'une crise de croissance et de reproduction élargie du système capitaliste. Ceux qui ont crié victoire un peu vite à Bruxelles après l’accord sur un deuxième plan d’aide à la Grèce savent que la crise qui frappe cette dernière n’est seulement une crise spécifique à un seul pays ou à un ensemble de pays de la zone euro mais une crise structurelle et généralisée frappant toutes les économies capitalistes. Même avec tous ces milliards, les résultats sont plus qu’hypothétiques, car, d’après des analyses et des projections futuristes, si un miracle il y a, « le miracle grec » ne produira ses effets que dans sept ou dans dix ans, mais d’ici là, on peut se demander si le peuple travailleur de ce pays va avoir de la patience pour s’échiner et de se courber devant les pilleurs et non pas les bailleurs de fonds de son pays.    
 
L’accord de Bruxelles sur la Grèce n’est pas vraiment destiné à sauver la Grèce d’une faillite annoncée ou à désamorcer une crise passagère et conjoncturelle mais à empêcher en réalité la déconfiture pure et simple de la zone euro. Car il faut savoir que la déconfiture de la zone euro va produire un séisme d'une magnitude jamais égalée entraînant l’effondrement du système bancaire à cause de la perte de confiance entre les banquiers eux-mêmes qui refuseront de se prêter l’argent l’un à l’autre. Cette annonce tapageuse autour de l’accord de Bruxelles sur la dette grecque vise en réalité à conjurer la peur non seulement de la faillite de la Grèce et de la zone euro mais même encore au-delà, la dislocation de l’Union Européenne. Il est notoirement connu que l’injection des liquidités dans les circuits économiques est une solution de facilité qui, n’en déplaise aux thuriféraires du Keynésianisme, n’est autre chose qu’un ersatz; l’injection des liquidités vise tout simplement à gagner du temps et ce n’est pas en gagnant du temps que l’on résoudra les crises.
 
FAOUZI ELMIR
 
Mots-clés : Grèce, dette, Europe, crise, économie. 
 
 



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