LES TROIS LEÇONS DU MOUVEMENT SOCIAL EN France(1) 
 
La nouvelle loi sur les retraites en France a été votée le mercredi 27 octobre par « la représentation nationale » malgré une opinion publique majoritairement hostile à la « réforme » du gouvernement et des millions de manifestants et de grévistes qui battent le pavé depuis deux mois. Comme pour participer à la propagande politique, l’INSEE publie le jour même du vote de la loi sur les retraites, une étude faisant apparaître que les jeunes d’aujourd’hui vivront jusqu’à cent ans. Cela veut dire concrètement que même une retraite à 70 voire à 75 ans, la jeunesse actuelle aura une espérance de vie de 25 à 30 ans après la fin de leur vie professionnelle. Un autre hasard de calendrier, le jour même du vote de la loi sur les retraites, les mass media publiques et privées contrôlées par les groupes capitalistes et leur bras armé, l’État, passent en boucle le soi-disant message de Ben Laden menaçant les troupes françaises en Afghanistan, poussant le ministre de la police et de la répression, Hortefeux, à « rassurer » ses concitoyens sur les dispositifs policiers mis en place à cet effet. Nous n’avons pas attendu les « assurances » de Hortefeux, pour s’apercevoir que nous vivons enfin au sein d’un Etat policier qui recourt à la violence, à la répression et à toutes les formes d’intimidation physique et psychologique pour étouffer les germes de contestation et les conflits sociaux en cours .
 
Cela étant dit, les mouvements sociaux qui secouent actuellement la France mais aussi les autres pays capitalistes européens méritent d’être analysés et expliqués avec un regard critique et d’une façon posée loin de tout sentimentalisme stérile à bien des égards. Comme toujours dans pareilles circonstances, des zélotes, des illuminés et des rêveurs de tout genre commencent à voir dans les contestations sociales en cours le signe ou le début de grands bouleversements, prélude à la grève générale voire même à la révolution. Ceux qui croient que ces mouvements de contestation en France et en Europe annoncent des lendemains qui chantent et son porteurs d’espoir pour l’avenir en ont pour leurs frais, car leurs objectifs et leurs revendications n’ont rien de révolutionnaire et ils sont tout simplement dépourvus de toute perspective politique à moyen et long terme. Si l’on essaie de faire une analyse sociologique des manifestants et des grévistes qui battent le pavé en France et en Europe, on s’aperçoit qu’ils sont en majorité des hommes et des femmes ayant un emploi, qui sont des fonctionnaires et des salariés du secteur public jouissant d’une certaine sécurité de l’emploi et qui cherchent à défendre leur « bifteck », leur « part de gâteau », leurs avantages sociaux et leurs « droits acquis ». Par ailleurs, les syndicats ouvriers qui les représentent et qui les mobilisent, qui parlent en leur nom et qui sont considérés par le patronat et le gouvernement comme des « partenaires sociaux » sont des organisations réformistes, des « syndicats-maison », parfaitement intégrés dans un système capitaliste et participant au même titre que la bourgeoisie, les capitalistes et le gouvernement en place à la gestion des rapports de domination capitaliste. Rétrospectivement parlant, ces organisations de masse réformistes, partis politiques et syndicats ouvriers, c’est du pain béni pour la bourgeoisie et les capitalistes, car ce sont elles qui ont permis au système actuel de se maintenir, de se consolider et de se perpétuer. Au début hostile et parfois hésitants, la bourgeoisie, les capitalistes et les partis politiques qui les représentent avaient compris par la suite tout l’intérêt que représentent sur l’échiquier politique et dans les entreprises et les usines, d’organisations de masse réformistes, partis socialistes, sociaux démocrates, partis communistes qui ont été à l’origine de la dégénérescence et de la corruption du prolétariat et du mouvement ouvrier en optant pour la voie des réformes et le respect des « institutions » et de la « démocratie » et en se battant uniquement pour des objectifs purement bassement matériels, corporatistes et socioprofessionnels comme l’augmentation ses salaires ou la réduction du temps de travail etc. Autrement dit, l’intrusion du réformisme dans le prolétariat et le mouvement ouvrier a conduit à l’étouffement de conscience de classe des victimes de l’exploitation capitaliste en galvanisant leurs énergies non pas vers la destruction et l’abolition du système qui les oppriment mais vers des « réformes » qui, comme chacun sait, sont complètement inoffensives pour le système en place, car elles laissent intacts les rapports sociaux existants en créent un consensus mou, une collaboration de classe et une parodie de démocratie. La bourgeoisie et les classes dominantes dans les pays capitalistes n’ont donc rien à craindre pour le moment de leurs mouvements sociaux qui sont étroitement contrôlées et mis sous coupe réglée par des partis et des syndicats réformistes dont l’objectif est la défense d’intérêts catégoriels et corporatistes. Au risque de choquer plus d’un, les mouvements sociaux et de contestation en en France et en Europe sont des mouvements conservateurs et foncièrement réactionnaires, car ils ne cherchent pas à renverser et à abolir le capitalisme mais tout simplement à défendre bec et ongle un statu quo, des droits acquis et des avantages sociaux. Nous avons du mal à comprendre l’incohérence politique et idéologique de certains groupuscules d’extrême gauche à phraséologie révolutionnaire qui descendent dans la rue pour manifester et défiler côte à côte avec des syndicats et des partis politiques dont les objectifs et les revendications sont tout sauf révolutionnaire.
 
Des mouvements de contestation et les convulsions sociales France et partout ailleurs dans l’Europe capitaliste, on peut tirer trois grandes leçons. La première a trait à la mascarade électoraliste de la « démocratie » capitaliste, la seconde concerne la dégénérescence du mouvement ouvrier suite à sa contamination par le virus réformiste et la troisième porte sur la grande offensive menée par le capital contre le travail depuis le milieu des années soixante-dix du XXème siècle pour récupérer ce qu’il a dû céder dans d’autres circonstances sous la pression des événements et des guerres.
 
PREMIÈRE LEÇON : LA MASCARDE ÉLECTORALISTE DE LA « DÉMOCRATIE » CAPITALISTE



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